Le 15/04/21

Jeudi 25 mars dernier, 80 industriels et chercheurs ont participé au webinaire « Les matériaux et produits chimiques perfluorés, leur impact sur l’environnement, la législation et les alternatives ».

Nous vous proposons dans cet article une synthèse des échanges, en abordant les sujets suivants :

  • De nombreuses applications industrielles et domestiques des PFC
  • Les composés perfluorés, toxicité et impact sur l’environnement
  • Vers une interdiction de l’utilisation des composés perfluorés d’ici 2030
  • Cap sur la R&D pour substituer les matériaux et produits chimiques perfluorés
  • La recherche d’alternatives : le retour industriel de notre membre INDUO

Cet événement digital, que nous avons co-organisé avec CLUBTEX, a donné la parole à la Direction générale de l’armement (DGA), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), INDUO et l’Institut d’électronique de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN).

De nombreuses applications industrielles et domestiques des PFC

Les « perfluorés » ou « PFC » représentent une grande famille de produits chimiques, réunissant près de 4700 substances selon l’OCDE – catégorisées en sous-familles : PFAS (perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés), PFOA (acides perfluorooctanoïques), etc.

Matériaux et produits chimiques perfluorés • Impact sur l’environnement, législation et alternatives

Les PFC sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles et domestiques permettant de fonctionnaliser les matériaux.

Les applications et marchés sont nombreux : imperméabilisants, traitements antiadhésifs, lubrifiants, mousses anti-incendie, câbles électroniques, semi-conducteurs, photographie, lithographie, textiles, emballage alimentaire, dispositifs médicaux…

Les composés perfluorés, toxicité et impact sur l’environnement

Ces composés chimiques sont hautement mobiles et solubles. Ils ne se dégradent et ne s’éliminent pas dans l’environnement, ce qui engendre une imprégnation environnementale : une contamination à grande échelle au moment de la production ou au moment du traitement des déchets / de l’eau.

En 2015, 200 scientifiques ont constitué une synthèse des connaissances sur leurs effets sanitaires (cancers, dérèglement de la thyroïde, dysfonctionnement hépatique…) et ont appelé à des mesures de protection des populations et de l’environnement.

En 2019, une enquête de Santé Publique France a révélé une contamination totale de la population.

À visionner sur le sujet
Le film Dark Waters de Todd Haynes (2019) relate la vie de Robert Bilott, un avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques. Interpellé par un paysan voisin de sa grand-mère, il va découvrir que la campagne idyllique de son enfance est empoisonnée par une usine du puissant groupe chimique DuPont, premier employeur de la région. Afin de faire éclater la vérité sur la pollution mortelle due aux rejets toxiques de l’usine, il va risquer sa carrière, sa famille, et même sa propre vie…

Vers une interdiction de l’utilisation des composés perfluorés d’ici 2030

Matériaux et produits chimiques perfluorés • Impact sur l’environnement, législation et alternatives

Le caractère persistant des perfluorés dans l’environnement fait l’objet d’une pression règlementaire sur leurs usages – notamment via les règlements européens REACH(1) et POP(2).

Cela pourrait entraîner une interdiction massive de ces composés dès 2025 (et au plus tard en 2030 d’après le Green Deal) et ainsi impacter de très nombreuses activités industrielles (sauf pour les usages dits « essentiels » pour la santé et la sécurité – selon la commission européenne).

Il ne reste donc qu’une petite dizaine d’années pour trouver et mettre en œuvre des solutions alternatives. Et ce n’est pas parce qu’une substance perfluorée n’est pas citée par les règlementations actuelles qu’il ne faut pas s’en préoccuper : il faudra bientôt également lui trouver une alternative.

(1) REACH (enRegistrement – Evaluation – Autorisation – substances CHimiques)

REACH est un règlement qui, pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne, recense, évalue et contrôle les substances chimiques fabriquées, importées et mises sur le marché européen.

(2) POP (Polluants Organiques Persistants)

POP est un règlement qui porte, depuis juillet 2020, une interdiction de production, de mise sur le marché, d’utilisation et d’importation/exportation. Il concerne les substances chimiques en tant que telles, dans des préparations ou sous forme de constituants d’articles.

Focus sur le calendrier de l’interdiction des PFOA

Depuis juillet 2020, les PFOA (acides perfluorooctanoïques) n’ont plus le droit d’être fabriqués, utilisés dans la production ou mis sur le marché(3).

En juillet 2022, cette interdiction concernera également les équipements utilisés pour la fabrication de semi-conducteurs et les encres d’impression au latex.

En 2023, cette règlementation s’étendra aux :

  • textiles de vêtements de protection des travailleurs contre les risques pour leur santé et leur sécurité ;
  • membranes destinées aux textiles médicaux, à la filtration pour le traitement de l’eau, aux processus de production et au traitement des effluents ;
  • nano-revêtements au plasma.

Enfin, seront concernés en 2032 les dispositifs médicaux autres que les dispositifs médicaux implantables.

(3) Ni tels quels, ni intégrés dans une autre substance, un mélange ou un article [dans une concentration égale ou supérieure à 25 parts par milliard (25 ppb) de PFOA (y compris ses sels), ou 1000 ppb d’une substance apparentée au PFOA, ou d’une combinaison de substances apparentées au PFOA.C10].

Peut-on demander une dérogation auprès de l’Union Européenne ?

C’est la Commission européenne qui décide ce qui est qualifié d’essentiel ou non. Sachez qu’il est possible d’alerter l’institution sur votre utilisation des composés perfluorés. Mais dire que les solutions alternatives n’existent pas ne sera pas suffisant : il faudra démontrer que l’impact de votre procédé sur l’Homme et l’environnement est faible, et que vous ne pouvez plus produire sans cette technologie (il pourra alors être utile de vous lier à d’autres professionnels du secteur concerné).

Cap sur la R&D pour substituer les matériaux et produits chimiques perfluorés

Il n’existe actuellement pas de solutions sans PFC qui soient directement industrialisables. Les besoins en recherche et développement (R&D) sont donc primordiaux.

Différentes approches de substitution aux composés perfluorés existent :

  • éliminer la substance incriminée et accepter une dégradation des performances de ses produits et/ou procédés ;
  • réduire la quantité de substances en-dessous des seuils règlementaires et apporter la démonstration des niveaux d’exposition ;
  • remplacer le composé chimique concerné par une ou plusieurs autres substances, par une variante de la substance ou par un processus nouveau.

La piste du biomimétisme est l’une des voies alternatives à prendre en compte. Les feuilles de lotus et les plumes de canards déperlantes sont par exemple de véritables sources d’inspiration.

Pour aller plus loin
Portail Substances Chimiques de l’INERIS – permet d’obtenir de nombreuses informations (toxicité, écotoxicité, impact économique…) sur les substances candidates comme alternatives
• Site Substitution des substances chimiques – mis en place par l’INERIS à la demande du ministère en charge de l’Environnement
• Site de l’agence européenne ECHA
• Fiche du projet TEXSHIELD – dont nous avons été membre du consortium européen (développement de traitements hydrophobes pauvres en fluor, capables de remplacer les traitements actuels basés sur des résines perfluorées)
• Site du projet DURATEX (développement de textiles hydrofuges et oléofuges, développement de textiles antimicrobiens pour le bâtiment et les applications architecturales)

La recherche d’alternatives : le retour industriel de notre membre INDUO

Il manque aujourd’hui une vraie méthodologie de recherche d’alternatives, et les impacts environnementaux sont difficiles à mesurer pour les entreprises. La jeune entreprise INDUO a accepté de partager son retour d’expérience en la matière.

INDUO développe et commercialise des tissus de coton résistants aux tâches et à la transpiration, pour les marques de chemises premium et luxe.

Les composés perfluorés cumulent de nombreux avantages pour INDUO : ils permettent un traitement déperlant et hydrophobe très performant, durable dans le temps, tout en conservant les propriétés naturelles du textile traité.

En parallèle des nouvelles règlementations, une vraie demande des clients existe pour bénéficier de vêtements à impact environnemental plus faible.

Les recherches d’alternatives menées par INDUO montrent que les silicones semblent constituer une piste intéressante : ils sont facilement industrialisables, résistent au lavage à sec et ont une bonne compatibilité avec d’autres produits ou fonctions. Cependant, plusieurs freins subsistent : le coût, la souplesse, la durabilité et l’incertitude vis-à-vis du bénéfice pour l’environnement.


Vous souhaitez aller plus loin sur le sujet des matériaux et produits chimiques perfluorés ? Nous mettons en place en 2021 plusieurs actions sur le sujet. N’hésitez pas à nous contacter par l’intermédiaire de Nicolas MARTIN.

Sources et crédits : documents et interventions de la Direction générale des armées (DGA), de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), de l’entreprise INDUO, et de l’Institut d’électronique de microélectronique et de nanotechnologie (IEMN).

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